L’alarme sonne. La circulation est interrompue. Un accident? Un malaise d’un passager? Un problème technique? Personne ne sait. La chaleur est presque insupportable, je manque d’air à cause de ce foutu masque! J’ai à peine fermé l’oeil la veille, emportée par l’appréhension et l’excitation de ce voyage pas comme les autres. Pourvu que je ne rate pas mon avion. Les catacombes sont par là, mais on a bien d’autres choses à faire. Pas le temps pour une rencontre avec le passé. Moi, c’est le présent que je guette. Le monsieur debout frôle l’impatience. La petite fille regarde dans le vide, à travers la fenêtre sale. Je ne prête plus attention à ma montre, car je sais que j’arriverai à temps.
Ma France, quand on a nourri son coeur latin Du lait de votre Gaule, Quand on a pris sa vie en vous, comme le thym, La fougère et le saule, Quand, pendant vos été luisants, où les lézards Sont verts comme des fèves, On a senti fleurir les chansons de Ronsard Au jardin de son rêve, Que l’on ne sait plus bien, quand l’azur de votre oeil Sur le monde flamboie, Si c’est dans sa tendresse ou bien dans son orgueil Qu’on a le plus de joie. ..
Une main qui me salue Un sourire qui te trahit Un geste qui vient de loin Et ton regard étourdi J’arrive Et voilà, tu t’en vas Je suis consommé par la déception Tandis que tu affiches ton mépris Deux vies. Deux destins Faire semblant Un jeu d’enfants Jusqu’à quand? Personne ne sait Notre amour s’est envolé On se dispute, on se déchire À tour de bras, à tour de cœur Je pense à toi Et tu penses à ton orgueil et à ton honneur Nous sommes perdus, paumés Notre couple est un mirage Nous vivons des apparences Pour faire plaisir aux autres Le temps nous échappe Je rêve de l’impossible D’une dernière nuit paisible En ta compagnie Je me retourne Tu es déjà partie.
Je suis pressée et je défie le temps J’ai hâte de retrouver le monde au plus vite Je ne veux plus l’inconnu Je veux atterrir dans une promesse Le véritable voyage confronte l’imaginaire à la réalité Si tu n’espères rien, tout peut se présenter à toi En revanche, si tu as déjà un modèle bien dessiné tu risques d’être deçu.
Entourée par des seculaires remparts Déguisée en dame bleue Terre d’arrivées et de départs Colère qui s’exprime par le feu Cité corsaire de pirates et de marins La tempête s’annonce Aujourd’hui, demain? On l’attend patiemment La mer éméraude Et le sable doré et fin Cachent des trésors Qui résistent au temps Le soleil arrive Sans demander la permission Il nous libère des journées grises Le bonheur est un frisson.
Théo a 8 ans, mais il est bien plus mature que certains enfants de son âge. Il ne croit pas au père Noël ni aux contes de fées. D’ailleurs, très tôt, il a su que tout cela a été inventé par des adultes qui refusaient de grandir. Bien-sûr, il n’ose pas partager ces arguments avec personne, surtout avec Violette, sa meilleure amie. Contrairement à lui, elle s’accroche à ses rêves de petite fille pour s’échapper de la réalité. Et quand les cris de sa mère sont insupportables et son père devient aussi violent qu’un gros ours incarcéré dans une immense cage elle traverse la rue en courant pour se fondre en larmes dans les bras de mamie Muriel, chez son meilleur ami. À cet instant, elle comprend que ses gâteaux faits maison sont capables de guérir presque tous les bobos.
Théo aime Violette, comme une sœur. Souvent ils ne font qu’un. Mais quand il n’a pas envie d’écouter ses théories sur le monde il se refugie dans sa chambre, en la laissant dans le petit salon avec sa grand-mère. Elle aussi est faite en acier, mais a un cœur en coton. Il est persuadé que c’est mamie Muriel qui a appris à sa maman tous ces trucs pour devenir invincible. Il l’a voit bien, plus jeune, en train de courir derrière les méchants pour sauver le monde. Il n’a jamais connu son père. D’après les deux générations de femmes qui habitent chez lui c’est mieux comme ça. Néanmoins, il aime imaginer que son progéniteur est un espion qui ne pourra jamais révéler son identité pour protéger sa famille.
Il faut dire que Théo est persuadé que certains adultes ont des super pouvoirs. Pas comme les personnages Pokémon ou Fantômas. (Mamie Muriel l’a fait découvrir tous les films de Louis de Funès). Ce sont des gens normaux, mais dès que la nuit tombe, ils se transforment. Et sa mère en fait partie! Elle quitte la maison quand il dort et rentre à l’aube, tous les jours. Il est certain, même si elle ne l’avouera jamais pour ne pas mettre en danger ceux qu’elle aime, Marina Le Roy est un agent secret.
Photo : KaDDD
Marina n’a que 28 ans, mais elle se sent déjà vieille, hors de son temps. Petite elle était belle, avec sa cascade de boucles dorées qui tombaient jusqu’aux épaules, ses grands yeux couleur miel et son nez espiègle. Bonne élève, elle était aussi douée pour le dessin et adorait écrire des histoires. Contrairement à ses camarades de classe, elle aimait l’école. C’était à la maison qu’elle avait peur d’y rester. Elle ne s’est jamais sentie en sécurité dans le petit HLM de cette ville en banlieue sale et peuplée d’individus agressifs et sans pitié. Chaque matin, elle était la première à arriver et la dernière à partir. Sa maîtresse en était fière sans jamais se poser des questions. À croire qu’elle aurait préféré vivre à l’école.
Quand elle a appris qu’elle était enceinte elle a tout de suite su ce qu’il fallait faire: impossible d’avoir un bébé. Elle était trop jeune et venait de décrocher un petit boulot dans une boulangerie. Pendant quelques semaines elle a caché cette grossesse qui la dérangeait. Mais, quand le temps est venu, elle n’a pas pu! Elle n’osait pas tuer cette petite chose qui grandissait dans son ventre. Théo est arrivé un 7 mai ensoleillé pour basculer son monde, changer son code de conduite, remplir ce grand vide, réclamant de l’affection qu’elle craignait être incapable de lui donner.
Contre toutes ses atteintes, elle se montre dévouée à ce petit bébé si fragile et, au même temps, plein d’énergie et de force. Elle a du quitter son petit appartement à deux pas du Sacré Cœur. Pas question de vivre en colocation avec un enfant! Et la voilà, de retour dans cette ville qu’elle déteste. Là, où on n’est plus à Paris, mais pas encore dans un autre endroit paisible. À mi-chemin entre ce qu’il aurait pu être et ce qu’il ne sera jamais existe un espace rempli d’immeubles laids avec des gens qui ont désisté de la vie.
Marina avait l’espoir que son quartier d’enfance aurait un peu changé. Au long du trajet, dans le métro, elle imaginait des parcs, un petit lac, des maisons de différentes couleurs. Elle y croyait, car elle en avait besoin. Sa mère ne s’est pas montrée très tendre et le reprochait d’avoir gâché sa vie. Elle se revoit dans sa fille quand elle aussi a du quitter la campagne pour ne pas être mise à l’écart. Un enfant à 18 ans avec le fils de monsieur le Maire. Elle n’a pas honte cette pauvre gamine!
Théo a réussi à les rapprocher. Ce petit garçon a même était capable de guérir les plaies ouvertes depuis longtemps. Un miracle de la vie!
Et quand Marina se sent perdue elle demande à sa mère :
– Et maintenant, ont fait quoi?
– On continue à vivre comme depuis 8 ans – lui répond Muriel avec un discret sourire, car elle sait qu’il ne faut pas trop abuser du bonheur.
Elle oublie les clés de la maison, de faire les courses, de préparer à manger et même d’aller chercher les enfants à l’école. Les pauvres! Son mari lui dit souvent: – Un jour, tu perdras ta tête, c’est sur! Elle s’endort debout, elle rêve éveillée, elle écrit des lettres d’amour que personne ne lit. Elle pense à sa jeunesse, l’insouciance de ne pas craindre le lendemain. Elle l’aime, mais n’ose pas lui dire. Elle veut s’enfuir à l’autre bout du monde, mais n’a pas le courage de faire sa valise. Elle ne vit plus, elle survit, à peine. Elle est épuisée. Elle vit entre deux mondes, mais elle n’appartient à aucun. Elle joue le rôle de l’épouse parfaite, la mère bienveillante, l’amie complice, la fille modèle. Elle oublie ses désirs et se laisse aller. Elle s’efface, se fait petite et transparente. Et puis un jour… Elle prend le large, en laissant tomber ce sentiment de culpabilité qui l’a accompagné depuis tant d’années. Les enfants ont grandi et ont quitté le foyer. Son mari est devenu vieux et aigris. Finalement, elle s’autorise le goût du bonheur, sans peur de perdre la tête!